Assemblée générale, le 20 juin 2012

Discours d’ouverture et présentation du thème
Francophonie et latinité, coopération Sud-Sud
Un nouveau souffle pour la défense de la diversité culturelle !

Monsieur le Président de l’Association Parlementaire de la Francophonie, représentant spécial du Président du Burkina Faso, Cher Roch, Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le Secrétaire Général de l’OIF, Cher Président Diouf, Monsieur le Secrétaire Général de l’Union Latine, Cher Luis Dicenta, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Monsieur le Président d’Honneur et cher Stéphane, Chers Amis,

Merci d’être venus si nombreux, des quatre coins de la planète, pour participer à cette nouvelle Assemblée Internationale, la 15ème depuis 22 ans ! Un merci tout particulier pour notre Vice-président le Recteur Charles Zorgbibe qui, en dépit de quelques problèmes de santé a tenu à être des nôtres ce jour. Je savais sa fidélité à toutes épreuves, il nous le démontre une nouvelle fois.

Il y a deux ans, je m’interrogeais publiquement, devant vous, sur cette improbable initiative prise il y a plus de 22 ans par trois aventuriers idéalistes, Leïla Hawari, Jean Bertho, et moi-même, celle, prétentieuse, de tenter de défendre et de promouvoir les valeurs francophones à travers le monde ?
Un pari, aussi exigeant que fou, qui a été couronné par la reconnaissance internationale de 108 pays et par celle du prestigieux IIPP dont je salue la présence ici ce matin du Président, Madame Gisèle Rutman !
Rien qu’au cours des deux années passées nous avons initiés plus d’une trentaine de projets de partenariat dont vous parlera notre Secrétaire Général à qui j’ai demandé de vous exposer notre rapport moral.
Rien de tout cela n’aurait pu être sans la présence à nos côtés de Pierre Messmer, qui fonda nos objectifs et nous imposa ses exigences d’excellence, de Maurice Druon qui assuma sa rigoureuse succession comme Président d’Honneur.
Depuis 2009 nous avons l’immense privilège d’avoir comme Président d’Honneur notre fidèle ami, Stéphane Hessel, inlassable défenseurs des valeurs humanistes qui nous sont si chères, à commencer par celle, essentielle, des Droits Humains !
Sa modestie dut-elle en souffrir je dois vous dire qu’il est pour moi depuis plus de 40 ans, et pour nous tous, à l’Alliance Francophone, l’incarnation de cette certaine idée de la francophonie, si liée avec cette certaine idée de la France et de son rôle dans le monde !
Oh certes pas un rôle hégémonique car la France, disait Malraux, n’est jamais plus grande que lorsqu’elle l’est pour tous les hommes…
Stéphane Hessel c’est, à lui seul, l’expression contemporaine du « Siècle des Lumières », lui dont chacune des interventions nous rappelle que, comme la France, l’individu n’est jamais plus grand que lorsqu’il se consacre au bonheur des autres !
Merci cher Stéphane pour votre amitié, votre confiance, votre fidélité, votre appui, ils sont les moteurs de notre énergie !

L’énergie aussi des femmes et des hommes qui, à travers le monde, ont incarné et incarnent les valeurs de solidarité, de justice, d’égalité, de liberté et de fraternité !
Rien de tout cela n’aurait été possible sans l’engagement de tous les instants de plus de 50 000 personnes à travers le monde.
En 20 ans nous avons tissé un réseau d’amis désintéressés, solidaires, une famille entièrement dévouée à cette certaine idée de la Francophonie qui véhicule, bien plus qu’une langue, mais des valeurs, un humanisme, un art de vivre, en un mot une identité fédératrice !

Nous avons su éviter les écueils qui auraient pu faire de nous des « ayatollahs » francophones, ou des gestionnaires pseudo institutionnels, rigides et auto-satisfaits, en basant toutes nos actions sur une absolue indépendance et une farouche volonté de défendre une Francophonie généreuse et ouverte sur le monde !
Nous existons aussi pour que d’autres puissent exister, et pour conforter ainsi, sans cesse, les expressions de cette diversité qui nous est si chère !
Parmi nos plus récentes initiatives, initiatives sur lesquelles Patrick Jaquin reviendra tout à l’heure, je voudrais citer celle de l’association des UACO (Université Africaine de la communication que nous avons créé) avec les Assises internationale du journalisme, présidées par Jérôme Bouvier présent ce matin dans cette salle et que je salue, une coopération qui devrait à terme permettre l’invitation des meilleurs jeunes journalistes africains en stage dans les grands médias francophones, le soutien « africain » de l’Alliance au formidable Festival du Film Francophone de notre ami Dominique Besnehard, présent lui aussi ce matin, et que j’embrasse !
Et puis il y a nos actions humanitaires menées depuis 25 ans dont témoignera Mama Kouyaté la courageuse Maman de nos 180 enfants ouagalais !

Le monde, chers amis est devenu schizophrène…
Un monde se dilate, s’ouvre, se décloisonne à la faveur de l’essor sans précédent des nouvelles technologies et de l’accélération des mouvements de populations.
Parallèlement et concomitamment un autre monde se contracte et se rétrécit autour des appartenances primaires, tenté par les romantismes nationalitaires et communautarismes d’essence culturelle ou cultuelle qui fleurissent ici et là.
Frappé de schizophrénie, le monde, qui est le nôtre et qui se profile devant nous, avance dans un mouvement oscillatoire ambivalent et paradoxal dont nul n’est en mesure de prévoir la direction.
Gageons qu’il épousera la voie du dialogue, de la paix et de l’amitié entre les peuples, celui de la reconnaissance et du respect mutuel.

Monsieur le Président de l’Association Parlementaire de la Francophonie, cher Roch Marc Kaboré, vous représentez aussi, aujourd’hui, le Président Blaise Compaoré.
Je voudrais souligner l’exemplarité de votre chef d’État dans le domaine de la coopération diplomatique sud-sud !
Votre pays et votre Président, incarnez, ô combien, cette coopération Sud Sud à travers les nombreuses médiations diplomatiques qui vous ont été confiées dont les succès contribuent au maintien de la paix, donc de la prospérité et du développement du continent.
Quel plus bel exemple de coopération Sud-Sud…qui tranche tant avec les erreurs si fréquentes du Nord toujours prêt à en découdre quel qu’en soit le prix humain à payer ! Alors qu’au nord, fut-il capitaliste, comme Staline à une certaine époque, on s’interroge d’abord pour solutionner une crise par la formule « Combien de divisions ? », au Sud Compaoré se pose d’abord la seule question qui vaille « Combien de morts à éviter ? ».
Souhaitons que la nouvelle et complexe médiation dans laquelle le Président Compaoré s’est impliqué, à savoir celle de tenter de résoudre la crise du Nord Mali et du Mali en général, puisse trouver rapidement une issue positive. Il y va de la paix et de la stabilité régionale de l’ouest de l’Afrique pour les 20 prochaines années.

Chers amis, si nous sommes réunis ici, si nos organisations, l’Alliance Francophone et l’Union Latine, ont décidé de se retrouver, c’est que nous pensons que la voie, ici décrite, et à laquelle nous sommes ardemment attachés les uns et les autres, doit nous permettre de faire du chemin ensemble, œuvrer solidairement par-delà nos différences, conjuguer nos forces et nos talents en faveur d’un monde juste, débarrassé des hégémonies de telle ou telle puissance, de telle ou telle multinationale, telle ou telle oligarchie.
Un monde juste qui respecte le destin des peuples dans ce qu’ils ont de plus inaliénable, de plus inestimable et précieux lorsque tous les repères sont brouillés, lorsque les référents qui structurent le groupe sont livrés aux compromissions du calcul et de la cupidité : les langues, les cultures et toutes les expressions qui en émanent.
Il n’est pas dans les us et coutumes de l’Alliance francophone de tomber dans le procédé, ô combien facile, de la stigmatisation de l’autre, surtout lorsque le Nord a lui-même brillé par son absence ou sa défection.
Lorsqu’il a manqué à ses devoirs et ses obligations, par trop de confiance en soi ou de suffisance, par trop de laxisme, de frilosité ou d’indifférence face aux cours de l’histoire qui se joue sous nos yeux.
Ce type de pratique est intellectuellement et éthiquement condamnable.
La critique n’a de sens et de pertinence que lorsqu’elle a pour point de départ « soi », que si elle s’arc-boute sur une autocritique. Comment en effet ne pas s’inquiéter des excès des puissances à l’œuvre, de leurs largesses avec le droit international, de leurs manigances ?
Oui, l’ordre mondial à l’œuvre depuis le tournant du millénaire laisse entrevoir un horizon des plus préoccupants.
Nul ne peut fermer les yeux devant l’hégémonie économique, culturelle et linguistique nord-américaine, la toute- puissance de son cinéma, de son mode vestimentaire et alimentaire, de sa technologie, qui mènent le monde vers une uniformité culturelle inéluctable. Comment ne pas s’inquiéter de l’impérialisme économique de la Chine de Pékin qui se fait trop souvent au détriment des libertés des peuples ? et souvent dans l’irrespect des lois et des coutumes des pays hôtes ? Mais la Chine de Pékin n’est pas ma seule…
Oui, tout cela est insupportable, révoltant, condamnable. Mais allons-nous continuer à nous morfondre en jetant, indéfiniment, la pierre à l’autre ?
La puissance des uns et des autres et leurs dérives ne sont-elles pas aussi le fruit de nos impuissances et de l’inanité de nos actes ?
Nous devons agir, mutualiser nos forces, être force de proposition, aller de l’avant, défier l’histoire.
Si nous sommes ici réunis, c’est qu’il nous tient à cœur d’œuvrer ensemble dans nos domaines de prédilection respectifs, là où chacun d’entre nous détient l’expérience et l’expertise adéquates :
la défense des cultures et des langues, la promotion de la diversité culturelle telle que définie en 2005 par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco en 2005.
Nous avons tant à gagner d’une convergence lorsqu’un tel horizon possible se trouve inscrit dans nos génomes respectifs. La francophonie que nous incarnons plonge ses racines dans la latinité romaine, méditerranéenne et carolingienne qui forgea la culture française moderne et contemporaine, celle des Lumières, celle du libre-arbitre individuel, de la souveraineté du peuple et de la démocratie.
Quant à l’Union en faveur de la latinité que vous représentez ici, Cher José Luis Dicentas, chers Ambassadeurs, elle est un peu la « fille » des idéaux de la francophonie.
Sans la France qui initia sa création en 1954, elle n’aurait peut-être jamais vu le jour. Voilà des liens historiques forts qu’ils convient de projeter dans l’horizon du futur. Il n’y a pas d’avenir qui se construise dans la négation ou la dénégation du passé.

Dans son Introduction à l’Histoire universelle parue en 1831, Jules Michelet inscrit le processus de construction la France dans le prolongement historique de la latinité antique dont la Cité-Etat romaine serait le foyer d’incandescence originel : « Rome, écrit-il, a été le nœud du drame immense dont la France dirige la péripétie. C’est en nous plaçant au sommet du Capitole, que nous embrasserons, du double regard de Janus, et le monde ancien qui s’y termine, et le monde moderne, que notre patrie conduit désormais dans la route mystérieuse de l’avenir. » Le passé ici sublimé est introjecté dans notre présent. Il l’imprègne, l’irrigue. Notre langue en porte l’empreinte indélébile. Latinité et francophonie entretiennent un lien de consubstantialité. Avant de revêtir le statut de langue juridique et administrative de la France, le français est passé par une succession de vagues de sédiments latins : né du bas latin, il mue en latin vulgaire, puis en roman… Autant d’étapes historiques qu’ont connu de façon analogue les autres langues latines : l’espagnol, le portugais, le roumain et toutes les autres. Au-delà de la dimension de l’aspect linguistique, ce sont nos représentations, nos institutions, nos pratiques politiques, qui sont un legs de ce passé : notre urbanisme, notre architecture, nos institutions, notre code napoléonien… Cet héritage historique, produit de la civilisation romaine, nous lie doublement, voire triplement. Parce qu’il est d’abord un pont avec les civilisations méditerranéennes, grecques, phéniciennes, égyptiennes, nord-africaines et autres, qui furent en contact avec Rome et dont elle subit elle-même les influences. Parce plus loin que la mare nostrum méditerranéenne, cette latinité qui nous lie a été un formidable vecteur d’ouverture des voies maritimes, de rencontre des continents, d’échanges économiques et culturels avec l’Amérique, l’Asie, l’Orient. Patrimoine commun de la latinité, Vasco de Gamma, Fernand de Magellan, Christophe Colomb et Marco Polo, pour ne citer que ceux-là, sont des patrimoines universels de l’humanité. Ils préfigurent les grands explorateurs spatiaux, les Youri Gagarine, les Neil Armstrong, et des inventions aussi extraordinaires qu’internet…

Qui plus emblématique que Léopold Sédar Senghor pour illustrer l’universalisme de cette latinité et de cette francophonie qui nous réunissent ? Ardent défenseur de la francophonie, le chef d’Etat et poète sénégalais a eu de son vivant à se prononcer à multiples reprises sur la notion de latinité et sur la conception qu’il en avait. Reçu tour à tour en Italie et au Brésil dans les années 1969, il développa un paradigme résolument « ouvert » de la latinité, une latinité « métissée » plus conforme à la nouvelle donne mondiale postcoloniale qui se fit jours dans les années 1960. Dans son « éloge de la latinité », allocution prononcée le 30 octobre 1962 lors de sa réception au Capitole par le Conseil municipal de Rome, il affirma :
« Sans complexe aucun, nous, Sénégalais, nous, Négro-africains de langue française, proclamons notre participation à cet héritage de Rome, que je résumerai en quelques mots : définition claire des fins humaines, choix lucide des voies et moyens, application rigoureuse des techniques les plus modernes ». Et citant la réponse d’Anna à Didon (Enéïde IV) : C’est ainsi que nous venons à vous comme des frères de lait : et non plus comme des triomphateurs, mais en hommes du XXe siècle, qui voulons employer les valeurs latines à féconder nos terres barbares ». Cette déclaration visionnaire, dont la force du verbe et l’éloquence trouvent un écho, dans les quatre coins du monde, en Afrique, en Asie, dans les Caraïbes et l’Océanie, montre que le continuum latino-francophone revêt aussi une dimension synthétique et syncrétique qui rassemble femmes et hommes par-delà leur couleur de peau, leurs origines, leurs langues et leurs obédiences philosophiques et spirituelles. La francophonie héritière de la latinité et la latinité aînée de celle-ci ne sont plus l’affaire d’une essence, mais plutôt le lieu et le creuset d’une diversité. Cette thèse énoncée par une figure emblématique de la francophonie, africain d’origine, humaniste d’âme et d’esprit, polyglotte, homme moderne du XXe siècle postulant à l’idéal d’universalité, est celle que nous défendons. Elle annonce, avant l’heure, le combat pour la diversité culturelle amorcée au tournant du nouveau millénaire.

La latinité et la francophonie réunies, c’est un peu la rencontre du Sud avec lui-même, la célébration de l’esprit d’authenticité, l’affirmation irrévocable de sa liberté et de son droit à disposer face à un ordre dominant, hégémonique et financier, qui trop souvent malmènent les peuples et minent les souverainetés nationales.
Ce Sud, qu’un certain ethnocentrisme occidental s’était empressé, hier, de reléguer aux oubliettes de l’Histoire.
Et pourtant, il est bien là !
Plus qu’une posture, ou un contrepoids géostratégique, le Sud est une réalité vivante, dynamique, en marche vers l’avenir.
« El Sur tambien existe ! » Oui, « le Sud existe aussi ! », comme aimait à le clamer de son vivant le regretté Mario Benedetti, écrivain, essayiste, poète hispanophone hors pair que son pays natal, l’Uruguay, dont je salue la présence de l’Ambassadeur ce matin, et l’Amérique du Sud toute entière n’oublieront jamais.
Oui, le Sud existe et ce n’est pas une vue de l’esprit. Il existe de par ce qu’il est intrinsèquement, son identité plurielle, ses métissages innombrables, son multilinguisme, dont le socle latin, ibérique, français et autres, s’est fondu aux racines linguistiques africaines et amérindiennes depuis des siècles, jusqu’à s’y confondre.
Le Sud existe de par sa volonté farouche de résister, demeurer ce qu’il est, ne pas plier ou céder devant les automatismes et les mimétismes qui rythment le monde.
Le Sud existe de par sa propension à l’enchantement, ses ressorts incroyables à anticiper le temps et à épouser l’avenir malgré un passé entaché de souffrances.
Tandis que le Nord s’enfonce dans une crise économique et identitaire multiforme, voilà qu’émerge le Sud !
L’aurions-nous, un jour, imaginé ?
Le Sud tend la main, rassemble, fédère, reconquiert sa souveraineté, impose ses vues, loin des stéréotypes tiers-mondistes et des vulgates marxistes éculés.
Comment ne pas prêter attention à ce qui se joue au Sud ?
Comment ne pas être subjugué par les réussites singulières de jeunes Etats récemment indépendants ?
Et le cas d’école argentin ? Un miracle devrais-je dire ! Ce pays, étranglé hier par les orientations des institutions internationales de Bretton Woods, avait subi de plein fouet les crises financières, économiques et sociales du tournant du siècle. Une décennie plus tard, le voici ressuscité au prix d’un travail de reconsidération et réorientation idéologique majeur, lequel a consisté au remboursement anticipé de dettes au FMI et à la Banque mondiale, pour mieux s’émanciper de leur emprise.
Ce qu’avait fait en son temps le Burkina Faso, dans un environnement économique bien plus dramatique…C’était le temps dit des « Ajustements structurels »…
Ironie du sort c’est aujourd’hui au pays du Nord qu’on impose ces ajustements…
Alors que le Nord est en situation de banqueroute généralisée, comment ne pas souscrire au pied de nez de l’Argentine à l’ordre économique et financier dominant ? Voilà un modèle qu’il convient de méditer. Je déplore que nous n’en parlions pas assez.
Nombre de pays du Sud à l’instar de la Thaïlande ou du Vietnam s’en inspirent pourtant et s’emploient à se démarquer des préceptes des institutions financières internationales en imposant un « néo-gaullisme » qui ne dit pas son nom.
Le Sud est en train de renverser le schéma dialectique qui prévalait jusque-là.
De cela nous ne pouvons que nous réjouir, nous qui défendons un monde multipolaire, débarrassé de tout hégémonisme.
La francophonie et la latinité ont cette chance d’être immanente au monde. Transcontinentales, sans frontières, méridionales ou septentrionales, elles sont des passerelles de l’universalité, autant de ponts entre les hommes, en le Nord et le Sud, l’Ouest et l’Est.
L’émergence du Sud, le dialogue Sud-Sud sont une chance pour la francophonie et la latinité, autant que la francophonie et la latinité sont une chance pour le Sud.
Ce constat fait, nous devons agir !
Agir à de multiples niveaux, comme nous le faisons au sein de l’Alliance francophone. Il est des axes stratégiques où la « diversité culturelle » doit avoir son droit de cité. C’est notamment celui de la presse et de l’audiovisuel. Nous devons valoriser la place des médias francophones et latins dans le monde, intervenir de façon active pour protéger nos télévisions et nos cinémas, défendre la propriété intellectuelle, les droits d’auteur, de nos auteurs et de nos artistes.
Je participais, avec certains d’entre vous, en décembre 2011, aux 8èmes Universités Africaines de la Communication de Ouagadougou (UACO), afin de soutenir la démarche de modernisation et de professionnalisation du secteur de l’information et de la communication initiée par nos amis africains. Attachés à la francophonie, ils attendent notre concours dans le domaine de la formation, de l’expertise juridique en matière d’éthique, des biens d’équipement.
Mais ils veulent d’avantage, conscients que la communication est un réel enjeu géostratégique une partie du globe où de nombreux géants anglo-saxons, moyen-orientaux et asiatiques sont déjà aux avant-postes.
Les cinémas d’expression française, espagnole, portugaise, italienne et autres regorgent de talents. Nous devons les soutenir, les porter, les faire connaître. Je sais que l’Union latine agit en ce sens en prenant en charge la restauration de nombreux films de l’histoire du cinéma latin, en parrainant des festivals de cinéma latin.
Les défis sont nombreux ! Aussi modestes soient nos moyens.
Défendre la diversité culturelle est un impératif d’humanité et d’universalité.
Cela suppose que les Etats qui soutiennent une telle philosophie fassent un effort en levant les obstacles administratifs qu’ils font peser sur la liberté de circulation des individus, notamment lorsque ceux-ci sont porteurs de projets et d’idées, promoteurs de savoirs scientifiques, intellectuels, artistiques… Car il ne peut y avoir diffusion des langues, des cultures et des savoirs sans mobilité géographique.
Le droit de disposer de soi-même doit pouvoir s’appliquer autant aux peuples qu’aux individus !
L’Alliance Francophone, vous le savez, œuvre pour la création d’un « visa francophone » destiné à favoriser, au sein de l’espace francophone, la circulation des personnes investies dans le rayonnement de la langue et de la culture françaises. L’édification et l’octroi d’un tel document se ferait en conformité avec les législations nationales et internationales en vigueur. Voilà un projet que nous pouvons transposer d’emblée à l’espace latin.
Ce qui a fait, hier, la grandeur de Rome, eu égard à ses velléités impérialistes belliqueuses que nul ne peut contester, c’est cette propension à fédérer des peuples et des cultures différentes, diffuser son modèle de citoyenneté de proche en proche, du Capitole, de la Cité au Latium, du Latium à l’ensemble du pourtour méditerranéen, jusqu’en Europe du Nord.
S’il est un génie de la latinité que nous devons méditer, c’est celui de l’amour du périple et du voyage…
Celui qui vit naître les Colomb, Magellan, Gamma…
Celui qui fait la grandeur d’âme, d’esprit, de cœur et de corps de nos langues.
Leurs spiritualités, leurs littératures, leurs mélodies et leurs rythmes.
Avec l’espoir que vous serez tous, avec nous, les avocats de ce superbe projet humaniste qu’est celui du « Visa Francophone » pour donner, enfin, à tous ceux qui partagent notre langue et nos valeurs le sentiment d’une réelle appartenance à une communauté solidaire, je vous remercie pour votre attention et vous souhaite une excellente matinée !
Jean R Guion