Japon novembre 2003

Je tiens tout d’abord à vous dire tout l’honneur et la fierté qui sont les miens d’être avec vous ici au Japon. Et je constate avec un bonheur réel, une fois encore, parmi vous, que l’hospitalité d’un pays est à l’image de sa grandeur.

Je souhaite également vous remercier tous pour l’action généreuse et passionnée que vous menez pour la défense de nos cultures respectives et de nos idéaux communs. Par cette action, nous tirons ainsi, tous les jours, de nos différences et de nos originalités, des enrichissements réciproques merveilleux.

Tous les formidables événements que nous avons vécus ensemble n’auraient pu avoir lieu sans les engagements personnels et déterminés de deux de mes grands Amis à qui je voudrais rendre hommage devant vous, Madame Jacqueline DANNO et Monsieur Shuji KATO.

Jacqueline DANNO est une grande artiste dramatique française que vous connaissez tous déjà...
Née de parents bretons, elle incarne de bien des façons, avec sa sensibilité et son allant, la Bretagne, qui est sans nul doute une des plus belles régions maritimes d’Europe ; une région qui a donné à la France ses plus grands navigateurs !
Peut-être est-ce à cause de cela que Jacqueline DANNO a consacré sa vie à rapprocher les rives des continents, comme si elle niait les distances, et à réunir les êtres humains, leurs cultures et leurs rêves.
De tout cela je peux témoigner, pour l’avoir vue à l’œuvre, en particulier en Afrique et chez vous au Japon, dans tous ces pays qu’elle ne peut évoquer sans nous communiquer ses émotions.

Jacqueline DANNO est une « passeuse de passions », et elle est également, elle qu’on qualifie souvent de chanteuse réaliste, une « rêveuse réaliste ».

Quant à notre Ami Shuji KATO je le connais depuis moins longtemps que Jacqueline mais j’ai pu souvent apprécié son dévouement et son efficacité au service de nos idéaux communs.
Monsieur Shuji KATO rassemble toutes les valeurs que nous défendons et qui ont contribué aux rayonnements de nos pays respectifs et de leurs cultures.
Délégué Général de l’Alliance Francophone et Fondateur de l’Association Franco-Japonaise de la Chanson, il est un infatigable bâtisseur de l’Amitié entre la France et le Japon.
Je voudrais lui dire, devant vous tous, notre reconnaissance et notre admiration pour son exceptionnel travail au service de la Chanson, au service de la culture.

La culture serait, si l’on en croit la célèbre formule d’André MALRAUX « l’ensemble des créations de l’art et de l’esprit » .

Les sociologues et les anthropologues nous expliquent que ce qu’il faut comprendre par Culture, c’est la gamme entière des modes acquis des comportements humains et l’ensemble des œuvres passées et présentes des sociétés humaines. Il y a donc bien là création de l’art et création de l’esprit.
Si actuellement les progrès des moyens de communication et d’information accroissent naturellement les échanges, ils tendent ainsi à refaire, mais aussi à défaire parfois, les systèmes imaginaires et normatifs constitutifs de la spécificité de chaque groupe culturel.

Aussi, est-il nécessaire que soient préservés l’enrichissement mutuel des cultures et le respect du droit de chacune d’elles à exister et à se déployer.

C’est une des missions essentielles de l’Alliance Francophone et, à travers elle, la noble tâche qu’assume ici notre Ami et Délégué Général de l’Alliance Francophone SHUJI KATO.
Grâce à son inestimable concours et à sa sensibilité, il relie les deux grands créateurs artistiques et spirituels que sont les Peuples japonais et français, en dépit des milliers de kilomètres qui les séparent !

Avec lui, ensemble, nous devons nous battre contre un monde monoculturel, comme en rêvent certains dirigeants de notre planète, contre un monde sans échange, sans créativité, sans véritable évolution.

Un monde monoculturel, c’est un monde sans dialogue, un monde muet, un monde sourd.

Il n’y a pas d’autre moyen que le dialogue pour aménager une société internationale dont les identités les plus diverses seraient respectées, et se compléteraient, au profit de chacun et de l’ensemble.

C’est en faisant prévaloir la cohérence des cultures dans le cadre d’une complémentarité partagée que l’on pourra dénoncer le risque d’un modèle culturel dominant et exclusif, qui tendrait vite à relayer les autres cultures au rang de réserves culturelles...

La préservation des cultures, c’est la préservation des âmes et donc leurs rencontres.

C’est dire que pour repenser le respect et la promotion des cultures à l’échelle mondiale, il faut d’abord faire des efforts sur soi-même et être attentif, écouter, regarder, comprendre l’autre, les autres.

En plus d’une richesse, c’est une façon privilégiée d’appréhender les résurgences identitaires, et de les désarmer.

Singulièrement, le dialogue et la rencontre entre la culture française et la culture japonaise illustrent un enrichissement réciproque et fécond.

De tout temps une réelle fascination s’est exercée entre la France et Japon. Cette fascination a été, reste et demeure une source d’enrichissement mutuel exceptionnelle dans des domaines aussi divers que la haute couture, l’architecture, la littérature, la peinture, la musique, le cinéma et à travers la forme la plus populaire de la culture, la chanson !

Les affinités entre nos deux pays sont connues et anciennes. C’est ainsi que j’ai appris qu’il n’y avait pas moins de 48 sociétés franco-japonaise qui, ici, oeuvraient en faveur du dialogue des cultures et d’une meilleure connaissance et compréhension mutuelles.

Notre Ami Shuji KATO est un des mainteneurs de cette fascination réciproque et les actions qu’il mène quotidiennement contribuent à renforcer les liens qui unissent nos deux Pays.

MONET, à qui votre Pays et vous-même, Ami Shuji KATO, avez rendu un remarquable hommage à travers d’exceptionnels CD et expositions, était fasciné par le Japon.

J’en veux pour preuve ses tableaux de figures. Les plus remarquables ont sans doute été Camille, exposé au Salon de 1861 et surtout La japonaise, vêtue d’une grande robe rouge éclatant.

Avec La japonaise, d’une façon admirable, c’est le costume, et non le visage, qui joue un grand rôle. Le rouge de la robe, avec les broderies en relief et les éventails multicolores piqués sur le fond, constitue le vrai motif du tableau.

Sur cette toile, et dans certains autres de ses tableaux, surtout parmi ceux qu’il a produits en Hollande, on retrouve la forte marque des pratiques japonaises dans l’emploi des tons vifs, juxtaposés dans toute leur franchise.

Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter une anecdote assez révélatrice des liens mystérieux et profonds qui unissaient MONET au Japon.
Un jour, il vit en se promenant dans les prairies de Giverny une ligne de peupliers longue et sinueuse où, dans certaines positions, les arbres se profilaient les uns sur les autres. Il se mit à peindre cette ligne...
Il se trouve que l’arrangement que les peupliers de Giverny lui ont permis de réaliser est exactement semblable à un autre que le grand peintre Hiroshige avait précédemment peint au japon - une ligne de cèdres - et qu’il a rendu dans une de ses Cinquante-quatre vues du Tokaïdo.

On est là en présence d’un cas singulier de suggestion devant la nature, exercée par un grand artiste sur un autre.

Je remarque encore que la deuxième Exposition Universelle, qui eut lieu à Paris en 1867, eut une importance particulière dans l’art occidental et dans l’art tout court.
Cette importance tient moins aux milliers d’objets artisanaux qu’à la présence d’une section japonaise.
C’était en effet la première fois que le grand public pouvait admirer une importante exposition de la production artistique provenant du Japon, ce lointain pays quasiment inconnu à l’époque.
Pour les impressionnistes, qui connaissaient pourtant les quelques rares exemplaires d’art japonais alors présents à Paris, l’émotion fut immense.

Le grand point commun entre nos deux Pays, c’est une volonté « chevillée au corps » de respecter, et de faire respecter, les cultures et les identités.

Cela implique pour nous d’être parfaitement conscients de l’unicité de chaque individu, de son potentiel irremplaçable, insubstituable !

Cela implique aussi de comprendre et de mesurer l’actualité du message universel transmis par tous les humanismes…

Le respect de la différence se fonde, rappelons-le, sur l’alliance de modestie et d’exigence que chacun doit appliquer à soi-même et aux autres.

La plus sinistre illustration du mépris des cultures, c’est la guerre, toutes les guerres et leurs cortèges d’occupations, de pillages et d’humiliations.

Face aux barbaries de toutes sortes qui menacent notre monde, nos modestes actions communes sont autant de raisons d’espérer que le monde peut changer.

Pour poursuivre ces actions, puissions nous nous inspirer de cette citation d’Albert SCHWEITZER à laquelle la « navigatrice des cœurs » qu’est notre Amie Jacqueline DANNO ne sera pas insensible :

" L’idéal est pour nous ce qu’une étoile est pour le marin.
Il ne peut être atteint mais il demeure un guide "

Je vous remercie pour votre attention.